Port-de-Bouc, les chemins de fer dans la ville
Le bâtiment servant de gare est semblable à la typologie architecturale uniforme de la ligne de la côte bleue. Archives communales de Port de Bouc© Tous droits réservés
Le 27 Septembre 1825, Robert Stephenson et son père Georges inaugure en Angleterre, avec leur locomotive à vapeur, le 1ère transport de voyageurs sur une ligne de chemins de fer entre Stockton et Darlington. En France, le premier transports de voyageurs mais à simple traction animale, entre Saint-Etienne et Andrézieux survient en 1827. Vouée au départ, comme la ligne anglaise, au transport du charbon, il faudra attendre 1836 pour substituer une locomotive aux chevaux.
A partir de 1835, les concessions accordées par l'Etat vont se multiplier à travers le pays, notamment sous l'influence des frères Pereire, de Paulin Talabot ou de la famille Rothschild. Malgré la concurrence de la navigation fluviale, les chemins de fer connaissent une phase d'expansion phénoménale.
En 1865, par crainte d'une concentration des chemins de fer uniquement sur les grands axes ou dans des sites industrialisées, une loi promulguée le 12 juillet autorise la création de voies ferrées d'intérêt local. Cet acte législatif se présente comme une opération de décentralisation accordée aux autorités des départements. Le 31 Août 1867, le Conseil Général du Département des Bouches Du Rhône décide du classement d'un réseau de chemins de fer comprenant 6 lignes, dont la numéro une pour Martigues à Pas-des-Lanciers et la numéro 6 pour Miramas à Port-de-Bouc. Dans une note de 23 pages, le préfet LEVERT détaille pont par point toutes les infrastructures, le matériel et le personnel nécessaires, les frais d'exploitation et les produits financiers, en somme un business-plan à l'ancienne. En 1867, un comité martégal d'une quinzaine de personnes écrit au tout nouveau maire de Port-de-Bouc, Isidore Barthélemy, pour demander son soutien en vue d'obtenir la prolongement de la future ligne Pas-des-Lanciers/Martigues jusqu'à la ville qu'il administre. Le programme du 31 Août 1867 est modifiée le 28 Août 1868 après un nouveau délibéré du Département toujours sous l'autorité du Préfet LEVERT. Dans son avis de 28 pages du 26 Novembre 1868 reprenant le nouvel accord, le Préfet confirme son accréditation pour la construction des 4 premières lignes sans tenir compte de la pétition. De plus, pour couronner le tout, le Préfet décide d'écarter provisoirement les 2 dernières dont la ligne Miramas/Port-de-Bouc. L'avenant, ainsi libellé, redéfinit et corrige tous les calculs de la précédente note en conséquence.
Malgré cette résolution négative pour le réseau qui nous concerne, le Baron Armand-C.A. Digeon et le banquier Marie-Casimir Delamarre restent intéressés par la création d'une ligne desservant le Sud et l'Ouest de l'Etang de Berre, englobant, par cet effet, Miramas à Port-de-Bouc. La Compagnie d'initiative et d'étude pour la construction et l'exploitation d'un réseau de chemins de fer local dans le département des Bouches Du Rhône, patronnée par ces deux personnalités, voit le jour. M. Fœx, ingénieur délégué, adresse en 1869 un courrier au Préfet pour faire connaitre les intentions de ses commanditaires en ce sens. Les propriétaires des Salines bordant la future ligne souhaitée par les initiateurs du projet se félicitent d'un projet qui favorisent leurs intérêts. Poursuivant ses ambitions sur le même plan, M. Delamarre deviendra aussi en 1881 le concessionnaire de la Société des Chemins de fer des Bouches Du Rhône qui intègre notamment la ligne de Martigues à Pas-des-Lanciers.
La guerre de 1870 avec les Prussiens et les évènements consécutifs à cette guerre en 1871 engendrent une suspension de tous les projets ferroviaires en cours dans le département.
En 1873, la Compagnie relance enfin plusieurs propositions conceptuelles de lignes sous la responsabilité de M. Zéphirin SALIN, nouvel ingénieur délégué et rapporteur auprès des Autorités Départementales, après le décès de M. Fœx. M. SALIN concrétise son programme en adressant une note de 50 pages le 15 Juin 1873 au Préfet et au Président de la Commission départementale pour argumenter et chiffrer le plan complet de 3 réseaux dont certains sont en maillage avec les 4 lignes approuvées par le Département en 1868. Dans cet exposé, la ligne nommée n°1 de Miramas à Port-de-Bouc pourrait se prolonger plus tard vers Martigues pour assurer la jonction avec la ligne Martigues/Pas-des-Lanciers, puis au final vers Marseille, soit par la Côte Bleue, soit par Châteauneuf et Le Rove. La 1ère motivation se décline dans les avantages apportés par le doublement de la ligne très encombrée de Miramas à Marseille. De plus, Port-de-Bouc apparait ,dans ce rapport, comme une ville privilégiée par sa situation topographique.
Au Quai de la Liberté - L'ancienne Gare de Port-de-Bouc au temps du MPB est désormais un simple logement privé © tous droits réservés
Située à l'intersection des 3 débouchés majeurs que sont le Chenal de Caronte, le Canal d'Arles à Bouc, et bien entendu la Mer, la ville se transformera en station maritime de premier ordre avec l'arrivée des chemins de fer qui permettront les transbordements de tous ordres. Port-de-Bouc devient au final une alternative portuaire crédible de Marseille avec un vaste rayon d'action. Les activités industrielles de la région et l'exploitation des salines trouveront un nouveau débouché sur tous ces axes de transports. Il est également fait état d'une ligne future qui, en longeant le Canal atteindrait directement Arles pour offrir une ouverture vers le Languedoc. Port-de-Bouc est présentée dans cette étude comme le point-phare du projet, une tête de pont à l'intersection des trafics de Marseille, de la Provence et des régions à l'Ouest du Rhône, et comme un centre d'avenir appelé à laisser dans l'ombre Martigues (sic). De nombreux entrepôts vont s'établir à Port-de-Bouc pour faire face aux nouveaux trafics et de nouvelles industries sont appelées à s'installer, ou simplement à se délocaliser de l'intérieur du pays, dès l'arrivée des chemins de fer dans la cité.
Au cours de cette étude, il est fait mention, pour une des toutes premières fois dans un texte, de la création d'un pont-tournant sur le Chenal, futur viaduc ferroviaire de Caronte. M. Salin se permet même d'exprimer dans son exposé que la ligne Port-de-Bouc/Miramas fut sacrifiée en 1868 au profit d'autres lignes dont celle de Martigues à Pas-des-Lanciers, non pour des raisons économiques, mais plutôt pour des raisons bassement politiques. En ce qui concerne les voyageurs, l'amplitude du trafic pourrait se situer autour de 18 000 âmes en y englobant Martigues. De manière à accréditer auprès du Préfet leur demande, la Compagnie, qui désire assumer seule son projet, précise toutefois que la Cie Générale des Travaux Publics et Particuliers pour les tâches prévues, la banque "Société Générale" sur le plan financier et la Société Fives-Lille, fournisseur de matériels ferroviaires, soutiennent son objectif. Toujours dans le même but de valoriser son projet, M. Salin assure que la porte n'est pas fermée à un partenariat futur et éventuel avec la grande Compagnie du P.L.M. Enfin, dans son état chiffré et sa conclusion, ce rapport souhaite, en plus de la concession, une subvention du Département égale à 750 000 Francs, soit le quart des frais engagés qui se montent à 3 Millions de Francs (1) pour une ligne de 24 Kms à voie unique de Miramas à Port-de-Bouc, y compris le matériel roulant et les frais généraux.
(1) : 1 Franc de 1870 représente environ 2,30 Euros en 201
L'abri construit pour abriter les voyageurs est toujours situé face au bâtiment principal © tous droits réservés
Après diverses délibérations, le Préfet des Bouches du Rhône accorde le 10 Mai 1874 à Mrs DIGEON et DELAMARRE la construction et l'exploitation de la ligne concernée. La société qui se crée, après l'aval des autorités départementales, est provisoirement désignée sous le vocable de "Chemin de Fer de Miramas à Port-de-Bouc". Cette compagnie délègue alors un ingénieur, M. HUGUET, pour établir un état des lieux des trafics existants rattachés à cette ligne, et des trafics probables qui pourront être générés à la faveur de sa création. Dans son 1er rapport daté du 22 Juin 1874, il en ressort que l'on peut tabler au niveau des voyageurs sur une fréquentation moyenne de 28 par jour. Sur le plan marchandises, l'énumération qui suit nous permet de prendre connaissance des volumes de trafic annuel de l'époque qui pourront désormais passer par la ligne de Port-de-Bouc via son port :
Production existante :
Huileries de Salon et Eyguières - Importation de produits bruts..................................................................................10 000 T.
Usine de Rassuen - Importation de matières premières.........................................................................35 000 T.
Expéditions de produits finis ......................................7 800 T.
Usine de Plan d'Arenc - Importation matières premières .............................................................................................22 000 T.
Expédition produits finis ............................................... 2 500 T.
Salins de Valduc - Expéditions ............................... 11 000 T.
Salins de Fos - Expéditions ...................................... 5 000 T.
Poissons de Port-de-Bouc - Expéditions ................. 200 T.
Sous-Total : 93 500 T.
Trafic du port de Port-de-Bouc au moment de l'étude :
25 000 T. de chaux + 6 500 T. de charbon + 31 300 T. de minerai de fer + 300 T. de produits pour la machine de pompe à feu servant pour le dessèchement du Pourrat (!)
Sous-Total de : 63 100 T.
Soit une capacité totale potentielle de............. 156 600 T.
A ces trafics, M. HUGUET table sur certaines reprises d'activité d'entreprise en sommeil telles que la raffinerie de plomb de Port-de-Bouc, l'usine de cuivre de Caronte provisoirement en arrêt pour réorganisation, la fabrique d'agglomérés de Port-de-Bouc actuellement en chômage ou l'atelier de constructions navales ex Pastré cédé à M. Cabissol en attente de redémarrage. En plus de ces hypothétiques regains, l'ingénieur délégué présente la ville comme un site sûr avec une vaste rade, et aucun souci sanitaire de types fièvres ou épidémies (sic). Cette perspective alliée à des avantages économiques permettrait de détourner un important trafic de Marseille vers Port-de-Bouc.
M. Huguet dresse ainsi à ses commettants un tableau idyllique de la situation à venir. Ses conclusions empreintes d'optimisme laissent entrevoir de grandes possibilités d'amortissement des frais engagés par sa compagnie pour établir cette ligne de chemins de fer.
Le 18 Août 1874, le même M. HUGUET est le rédacteur d'un nouveau rapport reprenant cette fois en détail un comparatif des frais portuaires, des frais de transports, ou de magasinage des marchandises transitant par Marseille ou par Port-de-Bouc. Dans le souci de se ménager les bonnes grâces de la puissante compagnie du PLM, , l'ingénieur rappelle que tous les trafics de Marseille ou de Port-de-Bouc transiteront par Miramas, de manière quasi obligatoire, et retomberaient, de facto, dans le giron du PLM. En conclusion, M. HUGUET souligne le bénéfice important que l'on peut en attendre et conforte l'idée d'un avenir radieux pour la ligne et pour Port-de-Bouc. Le port de Marseille, qui ressort comme le grand perdant présumé de cette étude, prendra sa revanche au XXème siècle avec la promulgation de la loi d'Octobre 1919 qui lui permet d'annexer tous les ensembles portuaires des Bouches Du Rhône à l'ouest de la cité phocéenne, un premier pas précoce en vue de la future métropole.
Tous les feux étant au vert, le décret d'utilité publique parait enfin au journal officiel le 14 Avril 1875 sous la signature du Général de Mac Mahon, Président de la République et du ministre des Transports, M. Eugène Caillaux. Son fils, le ministre des finances Joseph Caillaux, rendra ce patronyme célèbre en instituant en 1907 l'impôt sur le revenu. La femme de Joseph va même accroitre encore la réputation de la famille Caillaux en assassinant Gaston Calmette, directeur du journal "Le Figaro", qui avait diffamé son mari.
Le décret sorti, le conseil municipal de Port-de-Bouc, sous l'autorité de M. Barthélemy, accorde lors de la séance du 4 Juillet 1875 par 11 voix contre 4, une subvention de 40 000 Francs à Mrs DIGEON et DELAMARRE concessionnaires. Le lendemain, la compagnie "Chemin de Fer de Miramas à Port-de-Bouc" adresse par courrier au Maire ses vifs remerciements et lui assure de tout mettre en œuvre pour le développement commercial de sa commune. Cette subvention soulève un tollé dans certains milieux de la ville. Aussitôt, une association de propriétaires de Port-de-Bouc réunissant 68 pétitionnaires écrit, le 10 juillet 1875, une lettre de protestations auprès du Préfet. Elle précise qu'avec le maigre budget annuel de 11 334 Francs, la commune devra emprunter cette somme de 40 000 Francs à la Banque de Mrs Bousignac et Delamarre (est-ce un hasard ou pas?!!). L'amortissement s'étalera sur 30 ans au moyen de 80 obligations de 500 Francs. Les propriétaires attestent que ce remboursement repose entièrement sur une nouvelle imposition dite "Aux Centimes" dont les agriculteurs seront une nouvelle fois les victimes par manque d'industries et de commerces dans la ville.
Ces évènements intercommunaux n'empêchent pas la compagnie de Mrs DigeON et DELAMARRE de prendre désormais le titre de "Société des Chemins de Fer Méridionaux" pour lancer enfin leur affaire. Les travaux débutent rapidement, et le 13 Avril 1881, le dernier tronçon de ligne Rassuen/Port-de-Bouc est terminé et met alors Miramas à 1 H.10 de notre ville. La première gare de Port-de-Bouc est placée à l'angle du Quai de la Liberté et de l'actuelle avenue Gérard Baudet. On peut la voir encore aujourd'hui avec des reliquats de voies ferrées et les ruines d'un antique château d'eau. Le 25 Novembre 1881, le Préfet M. Poubelle, après approbation le 31 Octobre du Ministre de tutelle, établit un arrêté qui lance une enquête parcellaire à la suite d'une intervention des administrateurs de la Société des Chemins de Fer Méridionaux qui souhaitent un prolongement de la ligne de Port-de-Bouc à Martigues Ferrières. Le conseil général leur en avait accordé le 6 Novembre 1874 la concession, et une commission de 6 membres, dont M.Barthélemy et M. Autheman, maires respectifs de Port-de-Bouc et de Martigues faisaient parti, avait même été nommée le 15 Mars 1875. On sait que ce projet ne sera jamais réalisé. Malgré les prévisions optimistes de M. HUGUET, la société fait faillite 6 ans après l'ouverture de la ligne, et une nouvelle compagnie, la "Société du Chemin de Fer de Miramas à Port-de-Bouc"(MPB) s'y substitue. Le Krach financier de l'Union Générale en 1882, qui avait impacté de nombreuses banques, a peut-être joué un rôle sur les problèmes de gestion de la société des Chemins de fer Méridionaux. Dans tous les cas, ce Krach a renforcé les grandes compagnies au détriment des petites sociétés détentrices des chemins de fer d'intérêt local. Entre temps, la législation sur les chemins de fer d'intérêt local avait subi en 1880 des modifications sur le principe des subventions trop propices aux spéculateurs. Cette nouvelle loi ouvrait la voie à la création de Chemins de fer Départementaux ou à des lignes urbaines ou rurales de tramway.
Sur le plan industriel, Port-de-Bouc voit naitre en 1899 les fameux "Chantiers de Provence" qui lancent leur 1er bateau le 25 Août 1901. Le Canal d'Arles à Bouc ouvert totalement en 1842, attendra jusqu'au25 Avril 1927, jour de l'inauguration du Tunnel du Rove par le Président Gaston Doumergue, pour atteindre Marseille.
Le 29 Juin 1904, une nouvelle page se tourne avec le classement par l'Etat de la future ligne Miramas/Marseille via Port-de-Bouc en Intérêt Général. Le PLM rachète donc la partie existante du réseau à la Sté du Chemin de Fer Miramas/Port-de-Bouc, déjà moribonde par sa piteuse gestion. Le 21 Février 1905, le Préfet informe le Maire d'une enquête, sur proposition du PLM, pour définir l'emplacement exact des gares et haltes sur la ligne. Le PLM a décidé de modifier quelque peu le tracé initial de Miramas à Port-de-Bouc tel qu'on peut le voir sur un document. Il est décidé que la nouvelle gare de Port-de-Bouc sera placé au Km 25,135 en partant du point Zéro de Miramas. Le 28 Août 1908, le Maire accorde au PLM pour ses emprises une surface de 85 ares et 7 centiares contre une somme de 13 330 Francs. La façade accueillant les voyageurs sera placé en vis à vis de l'entrée principale des Chantiers, donc à son emplacement définitif actuel. Son architecture, typique du style PLM, se retrouve avec quelques variantes minimes dans de nombreuses autres gares du Sud-est de la France, domaine régional de la Compagnie. Les voies aboutissant à la gare côté ouest creusent une tranchée, sorte d'immense cicatrice qui, de la Baumasse au Canal, ouvre la ville en deux. Pour compléter les installations, la gare est pourvue d'un abri de quai, d'un bâtiment de toilettes et d'un poste d'aiguillage. Côté Miramas, une vaste halle à marchandises et un parc de matériels amplifient l'importance de la gare. Une dérivation au sud de la Gare rejoint par une courbe l'entrée principale des Chantiers. On pouvait encore croiser dans les années 50, une petite locomotive à vapeur de manœuvre qui traversait, en crachant et en fumant, la rue Charles-Nedelec en plein centre-ville pour assurer la liaison des matériaux entre la gare et les Chantiers. Le 17 Février 1911, les Chantiers demandent la construction d'une voie ferrée qui mettrait en communication les ateliers de montage avec le quai des Agglomérés. Le passage du Canal se ferait au moyen d'un bac à "tenage" mécanique. Le sous-préfet confirme ce souhait mais cette intention ne sera jamais suivi d'effet. En 1908 et 1909, les mairies des villes concernées, dont Port-de-Bouc, reçoivent des "notifications du jugement et des offres" qui établissent les modalités d'expropriation pour les propriétaires des terrains concernés par la concession sur la globalité de la ligne jusqu'à L'Estaque. Le 9 Novembre 1912, le Préfet Charles Valette lance un énième Arrêté au sujet d'une enquête d'utilité publique avec nomination d'une Commission composée de 9 notables de la ville. Cet Arrêté fait suite à la demande du PLM d'établir des raccordements entre la gare de Port-de-Bouc et deux autres lieux de la ville que sont, d'une part les quais de La Lèque, et d'autre part le bassin de l'anse Aubran. La Commission est chargée d'étudier et d'apporter des réponses aux différentes observations qui pourraient découler du registre des doléances ouvert pour cette enquête. L'ouverture de ces 2 embranchements s'avèrera fort utile lors de l'installation de l'usine St Gobain près des actuelles Aigues-Douces, et des usines Kuhlmann et Vieille Montagne à l'est de la cité. Trois ans avant le lancement de ce projet, la Sècherie de Morue interpelait le Maire pour obtenir son appui dans leur volonté d'établir une voie Decauville (écartement 0,60 mètre) sur les nouveaux quais de La Lèque.
Croquis de l'ancien dépôt de locomotives de Port-de-Bouc dans "Les dépôts de chemins de fer du PLM" M. Chavy © tous droits réservés
Suite à la loi de 1880, parmi de nombreux projets de tramway inondant Marseille, certains promoteurs voient d'un bon œil l'idée d'établir une ligne reliant Marseille à Port-de-Bouc, via l'Estaque, Le Rove et Châteauneuf . Le 20 Août 1906, une convention concède la construction et l'exploitation de cette ligne à un certain M. Evesque. Le Décret d'utilité publique parait le 11 Septembre 1906. Le 14 Octobre 1909 une commission d'études se constitue qui aboutit le 25 Août 1910 à établir un trajet qui traverse les villes des Pennes-Mirabeau, Gignac, Marignane et Martigues et emprunte donc un autre tracé que le futur chemin de fer PLM qui passera par la Côte Bleue. Le tramway devra suivre en premier lieu la route départementale de Saint-Antoine à Pas-des-Lanciers en intégrant un passage aux Pennes. Il est prévu initialement une traction à vapeur qui laissera progressivement la place à la traction électrique. Mais, suite à la guerre et à la mise en route en 1915 de la ligne Miramas/Port-de-Bouc/Marseille, le ministre des Travaux Publics prescrit par dépêche, après le 1er conflit mondial, le déclassement de la ligne du tramway. Après le décès de M. Evesque, concessionnaire officiel de cette ligne fantôme, les Ponts et Chaussées demande le 25 Février 1928 aux ayant-droits du défunt de résilier la convention. Est-ce la fin de l'histoire? La création toute récente de la Métropole pourrait donner un nouvel élan aux idées héritées de l'imagination de M. Evesque. L'avenir n'appartient-il pas aux rêveurs ?
Le 15 Octobre 1915, en pleine guerre, la ligne Port-de-Bouc/Marseille est inaugurée et le premier convoi tractée par les locomotives traverse le chenal de Caronte sur le Viaduc nouvellement construit et sa travée tournante, une merveille technologique pour son époque. Le remarquable ouvrage "Le chemin de fer de la Côte Bleue vers les plaines de la Crau" de Louis Roubaud (Editions Campanile) nous livre un témoignage précieux de cette épopée. Quant à la ligne Miramas/Port-de-Bouc, elle est désormais à double voie sur l'ensemble du trajet.
Pour le fonctionnement des locomotives à vapeur, maitresses de la traction ferroviaire et éléments clés de l'industrialisation en ce début du XXème siècle, deux produits sont essentiels, l'eau et le charbon. Pour abriter et entretenir ces monstres modernes, Port-de-Bouc possède un poste traction en annexe de Miramas avec un pont-tournant de 23 M. et une rotonde partielle à 6 voies accompagnée d'un petit édifice type "lampisterie".
Pour l'eau, le ministère des Travaux Publics pose le problème au Préfet des Bouches Du Rhône le 23 Septembre 1911. Selon le PLM, 302,40 M3 maximum par 24 H. sont nécessaires pour alimenter le dépôt des machines. Un canal de 3 557 mètres de longueur et de 0,50 mètre de largeur au plafond devrait subvenir aux besoins de la compagnie,. Le projet est approuvé le 26 avril 1912 par décision ministérielle. Mais le 16 Février 1913, le conseil municipal de Port-de-Bouc exprime le désir légitime de profiter de cette arrivée d'eau pour alimenter sa ville alors peu desservie, sinon par une source trop insuffisante pour les besoins d'une population en progression constante. La Mairie demande au Ministre de surseoir à l'exécution des travaux du temps qu'un nouveau projet global PLM/Commune voit le jour. La ville s'engage toutefois à supporter intégralement la surcharge financière. Le ministre approuve par télégramme le 22 Février 1913. La compagnie avait acquis un débit de 3,5 litres par seconde d'une source située au nord de l'étang de Lavalduc, à un lieu nommé Fanfarigoule. La Mairie en réclame 12,5 litres, soit 16 litres en tout. La 1ère source de ce site étant trop faible, une nappe souterraine, découverte aux environs du même site, et dont l'extraction se fera par pompage électrique, pourra, en complément, couvrir la totalité des besoins. Chambres de captage, réservoirs, maisons de garde, et une conduite de 7337,50 mètres, aboutissent, au-delà des frais incombant au PLM, à une charge de 280 000 Francs pour la seule Commune. Le problème de l'eau est réglée sur le plan technique pour les deux parties.
Pour le charbon, la déclaration d'utilité publique du 21 Avril 1921 apporte la réponse au problème d'approvisionnement pour la région. Ce décret paru le 7 Mai au J.O., signé par Alexandre Millerand, président de la République et Yves Le Trocquer, ministre des Travaux Publics, autorise l'installation et l'exploitation d'un établissement maritime sur la rive nord du canal de Caronte avec quais, terre-plein et outillages publics. Ce décret fait suite à la loi du 24 Octobre 1919 qui fixe le programme d'aménagement progressif du port de Port-de-Bouc et des étangs de Caronte et de Berre pour la grande navigation maritime dans le cadre des Annexes au port de Marseille. Six sociétés compétentes dans ce type de chantiers sont regroupées en consortium et se retrouvent solidairement responsables de l'exécution des travaux. Dans le Cahier des Charges, il est précisé que le PLM et ses cargaisons de charbon sont prioritaires sur tout autre trafic. Le raccordement de l'Anse Aubran sert de point-relais pour lancer les voies permettant de joindre le nouvel embranchement de Caronte et son important faisceau. Une nouvelle vague d'expropriations de terrains dans les quartiers de St Jean et de la Gafette libère les terrains requis pour le libre accès des voies du PLM. Au bout de la partie ouest du faisceau, la gare de Caronte-la-Gafette, construite pour l'occasion, entre officiellement en fonction le 1er Juin 1927. L'Etablissement Maritime de Caronte, exploitant du nouveau quai, peut recevoir ses premières cargaisons de charbon sur des navires armés par le PLM en cette année 1927.
A cette date, les voies ferrées ont atteint leur apogée dans notre ville. Leur apport se pose alors comme un vecteur essentiel de la transformation radicale du visage de Port-de-Bouc. Par ses larges échancrures dans la ville, par ses nombreux ponts et aqueducs nécessaires aux passages des rails pour le franchissement des routes ou du Canal, et par l'ensemble des bâtiments créés, le Chemin de fer marque de manière indélébile le développement urbain de notre Commune depuis sa naissance en 1866.
Denis BENCI